lundi 29 février 2016

Tel est pris qui croyait prendre (Une photo, quelques mots #60e)

©  Manue

Putain, que c'était froid!! 
Le filet d'eau glacée qu'il reçut sur la tête eut le mérite de remettre les idées de Luc en place. 
Nom de Dieu, mais qu'est-ce qu'il foutait là? 
A subir cette première (et sans doute pas la dernière) torture pour les beaux yeux de cette nana? 
Il fut pris d'un rire nerveux. Qu'est-ce qu'elle était con, cette expression ! Ses "beaux yeux"? Sans blague... Cette rouquine n'avait pas de beaux yeux, non, ça non. Ni des yeux de biche, oh ma biche, ni des yeux révolver, non plus.
C'était tout lui, ça! Se fourrer dans un pétrin sans nom (à défaut de se fourrer en elle, après tout c'était pour ça qu'il était là) avec dans la tête des mièvreries de chansons guimauve, qui alimentaient ses jeux de mots pourris. 
Ses yeux, à elle, trainaient des valises dans lesquelles on aurait dit qu'elle planquait tout son dressing, chaussures comprises. 
Mais son cul... ah, son cul! Ferme, haut, et rond. Et ses seins...  
Ah Nina !

C'était plus fort que lui, il n'avait pas résisté. 
Sa chair était faible.
Elle l'avait outrageusement aguiché dans le bar, avait jeté son voluptueux dévolu sur lui, faisant fi des gens qui l'entouraient, l'avait touché, caressé là où il fallait, sans gêne, avait même embrassé son crâne rasé de la veille (il en avait eu marre des réflexions sur sa calvitie naissante. Un coup de tête, c'était le cas de le dire). Enfin, elle lui avait promis qu'il pourrait tout lui faire, s'il la suivait sur le champ. 
Il avait laissé les potes payer sa bière, et avait saisi la main, qui déjà, l'entrainait vers un escalier dérobé, qu'il n'avait jamais remarqué avant. Et pourtant, dans ce bar, il y avait ses habitudes !
Ils montèrent longtemps, les étages se succédant dans ce colimaçon qui lui tournait la tête. Elle ouvrit une imposante porte en bois massif, et il prit en pleine poire les effluves lourds d'encens, de sueur, et de parfum capiteux de l'atmosphère du lieu. 

Et dire qu'il était parti pour boire un verre ou deux avec ses collègues, tout simplement! Tous travaillaient dans l'immeuble d'en face, pour un grand groupe financier qui leur mettait une sacrée pression. Alors il n'était pas rare qu'ils viennent se détendre ici après le boulot.

Et voilà maintenant, il était là, à observer (comme beaucoup d'autres, pris au même piège que lui, à en juger par l'étalage de costumes masculins et chaussures de luxe qui trainaient dans l'entrée) des rituels dont il ne saisissait pas le sens, si ce n'est que Nina, qui le regardait faire, avait affirmé que ça l'excitait. 
Des trucs pervers, il en avait testés pas mal. Mais ça, jamais. Il entendait, à intervalles réguliers, quelques claquements secs, puis des cris, plus ou moins étouffés. 
Une chose était sûre, si Nina voulait tirer quoi que ce soit de lui, il fallait qu'elle arrête cette douche glacée, car bientôt il ne resterait plus aucune partie de son corps qui ne soit ni fripée ni racornie. Déjà qu'il n'était pas un modèle de muscles et d'abdos bien dessinés...
A ce moment, comme si elle lisait dans ses pensées, le filet d'eau se tarit. 

- Retourne-toi. Debout.
Il frémit, mais obéit. Sa voix rauque provoquait cet effet sur lui.
- Enlève ton slip. Maintenant. Mains au-dessus de la tête. 
Il obéit encore.
- Ferme les yeux. 
Il ne se fit pas prier, devinant que son but était proche. 

Lorsqu'il entendit le déclic, tellement significatif, d'un appareil photo, Luc ouvrit les yeux et mit, par réflexe, les mains devant son sexe. 
Nina mâchouillait une mèche de ses cheveux de feu, en tapotant sur son téléphone.
- La photo est très réussie. Si tu ne veux pas qu'elle se retrouve dans les e-mails de ton patron et dans ceux de toute la boite, tu reviens ici avec 10 000 euros. Cash. T'as deux jours. Sinon... 
Sonné, Luc se rua sur elle.
- Espèce de... 
Elle le retint en pointant sur sa poitrine le bout d'une cravache qu'il n'avait pas vue. 
- Tu fais encore un pas, et y'a deux gros balaises qui débarquent, prêts à te refaire le portrait. Maintenant dégage. 

Elle enfonça encore un peu l'aiguillon de sa cravache sur sa poitrine, juste assez pour lui faire mal, avant de le retirer brusquement. Le mouvement fit vaciller Luc, qui s'écroula au sol, la tête dans les mains.


Une participation un peu barrée, je le reconnais, cette fois. Mais bon, c'est ma soixantième, alors ça se fête! 
Merci Leiloona

dimanche 28 février 2016

Sauvez votre dimanche #29

Et voilà, quinze jours de vacances, c'est trop court. 
Mais c'est déjà fini. 

Autant dire que ce dimanche a servi à se préparer psychologiquement à rempiler pour :
- six heures de cours
- deux heures de théâtre
- 54 copies à récupérer (et 22 autres, si les BTS terminent à temps demain matin)

Ouais, lundi de la loose. Sauf le théâtre.

Heureusement, j'ai le remède : 


  • Manucure avec soin des ongles (polir, lisser, faire briller) et un vernis Essie trop top et au nom évocateur Meet me at sunset (quel programme!)
  • La fin de la saison 4 de Downton Abbey
  • Un peu de Crunch pour mettre du croustillant dans cette journée 


Et pour accompagner un grand mug de thé Nuit à Versailles de chez Dammann. 

Et vous, les amis, vous avez fait quoi, aujourd'hui? 
Moi j'ai sauvé mon dimanche, grâce à Laurie

vendredi 26 février 2016

Déco cocooning

Avoir une vraie grande pièce pour bureau, c'est le bien. 
Avoir pu y aménager un coin détente, qui sert aussi pour recevoir les amis, c'est le pied. 

J'avais envie d'un peu de chaleur dans la déco, d'en faire un coin cocooning, où il ferait bon lire, se reposer, faire la grasse mat'. 
La couleur ocre/terre d'un des murs induit forcément un choix de couleurs lumineux pour la déco. 

Alors jugez plutôt! 

Une guirlande de 20 led enfermées dans des boules de couleur jaune, blanche et grise. 


Un coussin dans les tons rosés, avec paillettes, s'il vous plait! 


Le tout, acheté dans la boutique de mon amie Caro, Le bois des fées
Courez voir la page de la boutique. 

lundi 15 février 2016

Force et faiblesse (Une photo, quelques mots # 59)




Ils sont là. 
Ils sont toujours là. 
Ils l'attendent, la guettent, la traquent. 
Ils l'aperçoivent et lui sourient. 
Pas un sourire engageant, de ceux qui reconnaissent et s'apprêtent à saluer une connaissance, non. Un sourire sournois, à peine esquissé, et le regard mauvais. 

La première fois, ils n'avaient pas bougé. Ils l'avaient juste sifflée. 
Elle s'était raidie, mais ne s'était pas retournée. 
Elle s'était simplement dit que sa nouvelle assurance devait rayonner tout autour d'elle et que ce sifflement n'était que la manifestation d'une admiration légitime pour la nouvelle femme d'affaires qu'elle était.
Et puis elle était en jupe. 
Finalement, c'était plutôt flatteur.  
Elle en imposait même dans la rue, elle n'aurait jamais cru. 

La seconde fois, au sifflement était venu s'ajouter une remarque sur son physique. 
Elle avait soupiré, haussé les épaules... décidément, les jeunes d'aujourd'hui utilisaient un langage bien plus fleuri que ce qu'elle imaginait. 

La troisième fois, ils s'étaient levé. L'avaient suivie. 
Et sa belle assurance avait disparu. Envolée. 
Elle avait accéléré le pas, priant pour que la vue des vigiles à l'entrée de l'immeuble de bureaux les arrête. 
Ils avaient stoppé leur filature sur le trottoir d'en face. 
Ce jour-là, elle avait passé ses nerfs sur la moitié des hommes présents à la réunion qu'elle présidait, affirmant une autorité plus que déplacée. 
Ca leur apprendrait.

Depuis, elle se maudissait. Se détestait.
Comment pouvait-elle être respectée, crainte même, dans son travail, et ne pas pouvoir rabattre le caquet de ces types deux fois plus jeunes qu'elle? 
Elle aurait voulu hurler, leur dire que leur lâcheté d'être à deux après elle n'avait d'égale que la pauvreté de leur vocabulaire.
Leur faire mal. 
Mais elle était terrifiée. Pétrifiée.
Ils étaient deux
Et elle n'était qu'une femme. 


59e participation à l'atelier de Leiloona, sur Bric à Book
Une participation importante pour moi, parce qu'elle s'inscrit dans le cadre d'un projet initié par l'université de Toulon, et le théâtre de la Liberté. 
Je suis plus que fière de participer, en particulier pour une sacrée nana, qui vient parfois (volontairement!) se perdre par ici, et je l'en remercie.

mercredi 10 février 2016

Mon moi après mois, my January

Commencer l'année patraque : courbatures, fatigue intense, gorge en feu / Reprendre le scrap' pour fabriquer des marque-pages pour ses élèves / En fabriquer un qui traversera les frontières / Adorer boucler un swap pour une copine géniale / Reprise des cours sur les chapeaux de roue / Peu de billets ici, mais un tas de dimanches sauvés / Quand un de tes collègues apporte une tasse improbable / J - 100 avant Jon Snow / La tempête qui s'abat sur le lycée : des plaques de toits qui volent, des arbres qui tombent, une grosse grosse frayeur / Résolution n°1 : reprendre le sport et s'y tenir. Deux fois par semaine / Y trainer une, deux, trois copines / Découvrir le gainage et de nouveaux muscles dans son corps / Recevoir un joli cadeau dans sa boite, et se dire que la blogosphère cache une petite fée du nom de Noukette / Ce jour où tu apprends que ton père est licencié / Les horreurs qui sont dites, publiées même, à ce sujet / Se dire que la connerie humaine n'a pas de limites / Une entreprise qui ferme et une commune qui meurt à petit feu / Académie culinaire de la truffe et du foie gras / Déguster des plats divins, avec les copains et du bon vin / Se cailler dans les rues / Se réchauffer autour d'un thé / Avoir envie de prendre son courage à deux mains et d'appeler quelqu'un / Ne pas le faire / Quand tu tentes d'ouvrir une voiture qui n'est pas la tienne / Fou-rire mémorable / Relire du Martin Page et presque apprécier la pluie / Se demander si on a son mot à dire sur le spectacle de théâtre / Douter / Décider de ne pas se laisser bouffer / S'inquiéter pour sa grand-mère adorée / Se faire engueuler par la même / La trouver encore plus admirable, si c'est possible / Déballer un colis de swap et être pourrie gâtée / Se dire qu'on a des copiNETtes formidables / Préparer avec les mêmes la surprise la plus dingue qui soit / Tenir sa langue jusqu'au bout, un exploit / Passer un week-end avec ses neveux / Trouver Samuel d'amour grandi, changé / Soirée pop corn sur canapé avec le grand / Un restau improvisé en famille / Préparer une virée à un festival, à l'arrache, parce qu'on n'a qu'une vie / Se dire qu'on va revoir des filles adorables / Prendre un train, attendre une copine / Prendre un second train et papoter / Retrouver le reste du groupe / Affronter la pluie, la pluie, la pluie... / Des conférences, des dessinateurs, des dédicaces, un beau gosse, des belles gosses, des bières et des rires / Et encore de la pluie / Un retour épique et en taxi pour la modique somme de 260 euros / Se faire hurler dessus par la harpie du guichet / Changer de coiffure / Se sentir rajeunir / Papoter avec sa coiffeuse / Découvrir un recueil de nouvelles et entendre la voix de l'auteure au creux de son oreille / Un dimanche midi chez sa mamie et manger pour quinze / Faire des efforts d'organisation pour y voir plus clair au boulot / Découvrir Downton Abbey et devenir accro / Ne plus savoir si on est flûte ou baguette / Des crêpes pour les copines



Sur une idée de Moka

mardi 2 février 2016

Ecrits pornographiques, Boris Vian

 

Boris Vian, pornographe? 
Voilà une facette de l'auteur que je ne connaissais pas. 
Parfait pour un premier mardi, donc... 




 



L'histoire : Le recueil se compose d'une conférence de l'auteur autour de la littérature érotique d'une nouvelle et de quelques poèmes. 







Mon avis : On va mettre les pieds dans le plat tout de suite, point de pornographie dans cet ouvrage. Un peu d'érotisme, c'est tout. 
La majeure partie du livre correspond à la conférence Utilité d'une littérature érotique, qui tente de définir le genre. Heureusement Vian fait preuve d'humour, en commençant par nous expliquer ce que n'est pas la littérature érotique. Coutumièrement provocateur, Vian dénigre celui qui est, selon lui, l'écrivain aux antipodes de la littérature érotique, Sade. Eh ouais, quand même. 

Les poèmes qui l'accompagnent sont plutôt intéressants. 
Boris Vian parodie d'abord Liberté, le célèbre poème de Paul Eluard. Les allusions érotiques y sont discrètes.  
Suivent des poèmes célébrant le corps de femmes (lesbiennes, les femmes), ou un poème dans lequel plusieurs mots du vocabulaire familier (voire vulgaire, comme "connasse") sont gentiment détournés. 
Grand moment avec La Marche du concombre (je ne vous fais pas de dessin, hein). J'avoue que j'ai bien ri. 
Et c'est peut-être ça le problème... j'ai ri. Ce n'est probablement pas l'effet escompté. Faut dire que les allusions érotiques relèvent davantage de la blague de potache ou de l'anecdote de comptoir bien grossière que d'un réel érotisme qui émoustille. 

Quant à la nouvelle, j'ai eu du mal à entrer dans le délire que Vian construit autour du sexe féminin. 
 
C'est quoi qu'il en soit une lecture différente, précieuse, qui éclaire le lecteur sur la personnalité de l'auteur et sur la diversité de son art. On est loin de la tendresse de L'Ecume des jours et de cet univers qui m'est plus familier. 
On regrette presque qu'il y ait si peu de textes publiés dans le recueil.


lundi 1 février 2016

Le vent léger sous la robe de Jeanne (Une photo, quelques mots #58)


© Julien Ribot


La maison n’est plus qu’à une centaine de mètres. Le père Lachaux me chauffera les oreilles lorsqu’il découvrira les marques laissées par mon vélo au milieu de ses labours bien droits. Je me souviens encore de la rouste qu’il m’avait passée quand, à dix ans, j’avais coupé à travers son terrain pour gagner la course contre mon frère. Henri avait gagné. A cette époque, la route des Versannes était sans surprise. On n’y faisait pas de mauvaise rencontre. Mais maintenant…
Merde ! C’est le seul moyen et pourtant c’est tout aussi risqué. En traversant, je serai totalement à découvert. Le prétexte du raccourci suffira-t-il ? 
Déjà, pour m’arrêter et réfléchir, j’ai dû faire mine d’avoir envie de pisser pour ne pas éveiller les soupçons. C’est qu’ils ont de bons yeux, les bosch ; et un sacré flair, aussi. Ils te repèrent le seul type qui n’a pas la conscience tranquille au milieu de cent personnes. De vrais chasseurs. Des chiens. 
Bon sang, Pierrot, secoue-toi ! Plus j’attends, plus je joue avec le feu. Pas comme le feu qui brûle, là, dans le bas-ventre, quand je vois la jolie robe légère de ma jolie Jeanne qui se soulève lorsqu’elle roule à côté de moi.  Pas celui-là, non, même si j’aurais préféré. Le feu des balles, celui qui s’arrête que quand t’es mort. 
Déjà, j’en vois un qui se tourne vers moi. Il en met un temps, pour pisser ! il doit se dire. C’est louche, je sais. Heureusement, j’ai vu le barrage de loin, quand j’étais en haut de la côte des Feuillardiers. Satanée côte, elle m’aura, celle-là, si les bosch m’attrapent pas avant. Un quart d’heure de montée qui vous tue les mollets. Et sinueuse, en plus. Pas toute droite pour que tu puisses baisser la tête et souffrir sans te soucier de la route, mais des virages bien marqués, aussi. Pas étonnant que j’ai eu besoin de reprendre mon souffle, un peu. 

C’est à ce moment que je les ai vus. Les barrières blanches, les deux qui font le plancton avec leur mitraillettes collées au torse. Et la traction noire de Monsieur Thomas, le maire. 
Sur le coup, j’ai pensé :
Nom de Dieu… Ils le tiennent… le père de Jeanne, ils le tiennent.
Mes mains tremblent. Je dois y aller, mais mes jambes refusent d’avancer. 

Alors je me penche vers mon vélo, j’attrape la chaîne et je tire de toutes mes forces. Si elle est cassée, alors je pourrais traverser sans être inquiété. Qui marcherait le long de la route à côté d’un vélo en rade, alors que le raccourci lui tend les bras ? 

J’essuie ma main graisseuse dans le mouchoir brodé par ma mère que je fourre dans ma poche droite. Je redresse le vélo et fais mes premiers pas dans le champ du père Lachaux. 
J’avance, déterminé, mais vacillant. Mes pieds s’enfoncent dans la terre meuble et humide de ces tranchées minuscules. 

Je pense à Jeanne. Il faut que je la prévienne.
Pour son père, je vais lui dire.
Mais qu’elle ne craint rien. Qu’avec moi elle ne craint rien.
Rien.
Déjà, j’entends que ça s’agite, au bord de la route. Le ton monte.
« Halte ! »
Mon sang se glace mais je fais comme si je n’avais pas entendu.
« Pierrot, cours ! », crie Monsieur Thomas.
Je laisse tomber mon vélo et m’élance, tant que mes jambes me portent.
Mes oreilles, elles, bourdonnent encore du coup de feu qui vient d’être tiré.