dimanche 27 mars 2016

Escapade mortelle (Une phrase, un texte #1)

Cela faisait un moment que je lorgnais sur l'atelier de Fanny, Une phrase, un texte, sans me décider à participer. 
Depuis, j'ai rencontré Fanny, celle qui lève ma main à ma place pour commander un mojito, et elle m'a encouragée à me lancer. 

Le principe est simple, y'a qu'à lire le titre de l'atelier pour comprendre, hein. 

La phrase de la semaine est tirée de Lorenzaccio, de Musset, pièce si chère à mon coeur - comme toutes les pièces de Musset, en fait - alors comment résister? 


- "Tu me demandes pourquoi je tue Alexandre? Veux-tu donc que je m'empoisonne ou que je saute dans l'Arno?" 
- "Mais qu'est-ce que tu me fais, là? Tu délires ! T'es dingue ou quoi?"

Gilles me regarda durement. Ses beaux yeux gris avaient soudain pris une teinte plus foncée.
- "Ah ouais, bien sûr, c'est moi qui suis dingue...", dit-il en se rapprochant, ce qui me fit instinctivement reculer. 
- Oh mais arrête... Je m'en fous, d'Alexandre ! Oublie-le, bon sang!
- L'oublier? Mais ce mec est partout. Il t'épie, te suit, il est là quand tu sors du boulot, dans le métro... Les coups de fil où personne ne parle, je suis sûr que c'est lui ! Et là, à Florence... on est en vacances, bordel ! C'est lui, le dingue, le psychopathe, pas moi! 
Entendre Gilles résumer la situation de ces derniers jours me fit frissonner. Se pouvait-il vraiment que... 
- "Tu es sûr que c'était lui? 
- Sûr et certain. J'étais à la réception, pour notre valise perdue, quand j'ai senti qu'on me regardait. Je me suis retourné, et je l'ai vu. Je l'ai vu, je te dis. Il a eu l'air surpris de celui qui ne s'attendait pas à être découvert. 
- Bon, alors on va appeler la police. Tout leur dire. Ils vont surveiller. Mais je t'en prie, calme-toi. Pose ce couteau. S'il te plait. Tu me fais peur. 
Le ton de ma voix, inquiet et tremblant, sembla attendrir Gilles. Je m'approchai et caressai doucement sa joue. 
- S'il te plait...
- Ok, soupira-t-il. Mais on descend tout de suite prévenir la direction de l'hôtel et la police. Tu n'es pas en sécurité.
- Oui, allons-y. 
Je récupérai ma veste et mon sac à main sur la chaise de la coiffeuse pendant que Gilles cherchait la carte magnétique de la chambre. 
- Sonia? 
- Oui? 
- Je t'aime. 
Drôle de manière de s'excuser. Mais c'était sa manière à lui, et à mes yeux, elle valait tous les bouquets de fleurs du monde. 
- Moi aussi, je t'aime, répondis-je en prenant sa main pour sortir.
Le couloir qui menait à l'ascenseur était silencieux. A cette heure avancée de la matinée, les clients - des touristes essentiellement - étaient déjà tous sortis profiter de cette belle journée d'Octobre. Un chariot de ménage stationnait devant l'une des portes, rendant le passage impossible pour deux personnes, même collées l'une à l'autre. 
- Je passe devant, me dit Gilles. Je serai ton garde du corps.
Je ris.
- Kévin Costner n'était pas libre? 
- Ingrate... 
Je déposai un baiser rapide sur ses lèvres. Un "ding!" caractéristique se fit entendre. L'ascenseur s'ouvrait. Gilles me pressa d'avancer, pour ne pas le rater. 
Au moment où les portes s'ouvrait, je ne vis que la silhouette de celui qui occupait déjà la cage. Une silhouette maigre mais élancée, une silhouette qui depuis longtemps m'était devenue trop familière. 
L'instant d'après, un coup de feu retentit. 
Le corps de Gilles vacilla, s'effondrant à mes pieds, sans bruit, sur la moquette épaisse et raffinée.

8 commentaires:

  1. C'est parce que tu n'avais plus assez de force pour lever ta main toi-même ;)
    Et tu as bien fait de te lancer, texte très bien écrit, plein d'émotions, dont pas mal de tristesse .. Merci !

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    1. Merci, merci!
      Pour les compliments et le mojito, évidemment!

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  2. J'aime beaucoup ton texte, angoissant, on dirait un thriller.
    Bon, mais qui c'est cet Alexandre, et que veut-il à Sonia ??

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    1. Merci Leana.
      Alexandre... collègue? Ex?
      Qui sait?

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  3. J'aimerais en savoir plus. Ton style et ton histoire sont très prenantes. Un gout de trop peu quand même. Merci pour ta participation et à très vite !

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    1. Merci Anne-Véronique.
      Pour le goût de trop peu, il parait que je fais ça souvent... Même Frédérique Martin, en stage d'écriture cet été, m'a dit la même chose...
      Faut que je corrige ça avant que cela ne devienne trop frustrant!

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  4. Bravo, joli texte qui emmène à lire la suite...

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    1. Merci beaucoup, pour ton passage ici, et pour ce compliment.

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