lundi 16 janvier 2017

La délivrance (Une photo, quelques mots #76)

Vincent Héquet

Quand j'entre chez lui, je sais qu'il n'a pas menti. Je ressens tout de suite sa présence. A elle. L'autre. Celle qu'il a perdu et pleure encore. La raison pour laquelle il a poussé la porte de notre groupe de soutien. Je m'en souviens encore. Il avait l'air si désemparé... Les premiers temps, il a écouté, observé ; pas facile de se sentir à l'aise au milieu de tous ces gens ravagés par le drame et la douleur. Et puis un jour, il est venu vers moi. C'est à moi qu'il a parlé en premier, avec douceur et timidité. Pourquoi moi? Je me le demande encore. Mais quand j'ai entendu son histoire, j'ai immédiatement voulu comprendre. Je voulais voir, y croire, me dire que c'était possible...
 
 
Je la laisse découvrir les lieux, observer, s'imprégner de l'atmosphère. Elle est conquise, je le sais. S'inscrire à ce groupe de soutien pour personnes en deuil était une riche idée. Je ne pensais pas que ce serait aussi facile. Il avait suffi d'une phrase. "Bonjour. Ma femme est morte mais je ne l'ai pas vraiment perdue : son fantôme hante encore mon appartement". Personne n'avait répondu. Comment ne pas me prendre pour un fou? Et pourtant, en la voyant, j'ai su qu'elle, elle me croyait. La faire venir chez moi a pris à peine un mois. Et maintenant elle est là, tous les sens aux aguets, persuadée qu'elle va entrer en contact avec les morts.
 
 
Elle sait que je suis là, je le sens. Elle ignore encore dans quel piège elle est tombée. Des semaines que j'attends ce moment. Je virevolte autour d'elle, pour qu'elle y croie, qu'elle ne se méfie pas. Sa prochaine victime. Celle qui me remplacera. Quand son cœur s'arrêtera, mon âme s'envolera. Pour me libérer moi, il faut qu'il la tue elle. Je voudrais la toucher, l'effrayer, la faire fuir. Mais je ne le fais pas. Je me libère et elle devient sa prisonnière. Tant pis pour elle.
 
 
Un texte un peu barré, pour cette 76e participation à l'atelier de Leiloona.
Les semaines se suivent et les inspirations ne se ressemblent pas!

19 commentaires:

  1. J'ai adoré!!!! Je suis branchée thriller et texte aux ambiances noires donc forcément... Je ne me suis doutée de rien au début et puis tout d'un coup BIM! Ca m'est tombé sur le coin de la figure comme ça!

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    1. Merci!
      Alors bizarrement, ce n'est pas trop mon truc, les ambiances noires, donc je suis d'autant plus contente que mon texte plaise à une amatrice comme toi!

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  2. Punaise :-p Brrrrrr ton texte, très beau, fait toutafé froid dans le dos !

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  3. oh ben tu es vache là, sadique aussi un peu, la pauvre, elle est tombée dans le piège :D

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    1. Ben oui, hein... voilà ce qui arrive aux héroïnes trop naïves! Hi, hi, hi!

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  4. Bahdidonk si je m'attendais à ça ! :-o Cruelle !

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    1. Eh, eh, c'est sûre que quand on me connaît, on ne s'attend surement pas à ça!

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  5. Un serial killer qui cherche ses proies dans des groupes de soutien ! Brrrrrrrrrr !

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  6. Waouh ton texte aussi est assez diabolique ! J'aime beaucoup l'effet produit par ces 3 choix, cela apporte beaucoup à la narration.

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    1. Merci Sabine! J'apprécie ton regard sur mon texte, ça m'aide.

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  7. Arf! Mais c'est terrible, cette histoire ! Ça commençait comme 2 autres textes sur le deuil et la résilience et paf! On découvre une future scène de crimes ! Très jolie histoire à 3 voix, bravo

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    1. Merci Adèle!
      Oui, j'ai voulu brouiller les pistes, moi qui suis davantage dans la romance, d'habitude!

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  8. arghhh... effrayant la fin de ton texte à côté d'un début bien doux presque mielleux ;-) bravo pour ce contraste de paragraphes ! Nady

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    1. Merci Nady!
      Le contraste, c'était le but, je suis contente que ça ait fonctionné.

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  9. En effet, les 3 points de vue sont bien amenés ! Quelle bonne idée !
    Mon âme romantique a cru à un mélange des corps pour faire renaître un amour... quelle naïveté ! Mais c'est ça qui est bon dans la lecture : être surpris(e) !

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    1. Ah, toi aussi tu as l'âme romantique?
      Je me sens moins seule avec ma bisounours attitude!
      J'aime beaucoup aussi la diversité de nos textes, c'est ce qui fait le charme de cet atelier.

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